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Dans les trois départements et régions d’outre-mer (DROM) étudiés par la mission (Guadeloupe, Martinique et Réunion), la filière canne-sucre-rhum-énergie représente 33,9 % de la surface agricole utilisée et 27 700 emplois directs et indirects, soit 4,92 % de la population active. La production et la commercialisation du sucre au sein de l’Union européenne (UE) fait l’objet d’une organisation commune de marché (OCM). La réforme de l’OCM sucre en 2017 a provoqué une perte nette pour l’industrie sucrière des outre-mer de 25,6 M€ par an : la baisse des prix du sucre brut à raffiner a représenté une perte de 13 M€, la baisse des prix des sucres spéciaux une perte de 8,1 M€ et la fin du travail à façon une perte de 4,5 M€. La filière est largement aidée par l’Union européenne et l’État. Le programme d’options spécifiques à l’éloignement et l’insularité (POSEI) comprend des actions en faveur de la filière canne-sucre-rhum à hauteur de 74,6 M€. Le FEADER intervient également en matière de mesures agro-environnementales ou pour des aides à l’investissement. Dans le cadre du règlement (UE) n° 228/2013, la France est autorisée à verser des aides nationales complémentaires du POSEI d’un montant maximal de 90 M€. Ainsi, pour les trois DROM étudiés, le montant global des aides spécifiques à la filière canne-sucre-rhum-énergie s’élève à 439,9 M€ en 2019, pour 44 % d’aides fiscales et 56 % d’aides budgétaires, soit 15 870 € par emploi direct et indirect de la filière. Bien que les cinq entreprises étudiées par la mission aient des modèles différents, l’analyse de leurs comptes fait apparaître des cycles d’exploitation déficitaires sans l’aide complémentaire de 38 M€. Les sucreries se porteraient d’autant mieux qu’elles produiraient relativement moins de sucre brut destiné à être raffiné. La recherche de produits à plus forte valeur ajoutée est donc un impératif. Dans ce contexte, l’État doit continuer à soutenir la filière, tout en réexaminant les modalités et le pilotage des aides. À très court terme, pour la prochaine campagne, qui débute à La Réunion en juin 2021, les acteurs attendent la reconduction de l’aide complémentaire de 38 M€. Cette attente trouve un contexte favorable avec la reconduction automatique, par la Commission européenne, des régimes d’aides d’État pendant une période de transition pour les années 2021 et 2022. À moyen terme, l’aide complémentaire à l’industrie doit être maintenue, en raison de la situation financière et des perspectives d’évolution de marché dégradées. Cette aide doit cependant être transformée pour être incitative à la transformation. La mission recommande donc de remplacer l’aide de 38 M€ par une aide complémentaire aux industriels, dégressive dans le temps et incitant à la transformation vers des produits à plus forte valeur ajoutée. Sur la base des calculs de montants initiaux d’aide et dans l’hypothèse d’une réduction de 10 % par an du montant issu du manque à gagner de la réforme de l’OCM, mais pas du soutien forfaitaire aux investissements, la mission a effectué une simulation de l’aide pour chaque entreprise sucrière qui pourra être complétée par des mesures de transformation à destination des planteurs. Par ailleurs, l’adaptation de la filière doit se faire dans le cadre général de la transformation agricole des outre-mer. Pour les petits planteurs ou les planteurs les moins productifs (en tonnage ou en richesse saccharine), une aide à la reconversion pourrait être mise en place, afin de les aider à s’orienter vers d’autres activités agricoles. Cette aide à la reconversion pourrait être mise en œuvre à droit constant, en mobilisant les collectivités territoriales, autorités de gestion du FEADER, dans le cadre des comités de transformation agricole. La filière doit également faire l’objet d’une politique coordonnée pour améliorer sa rentabilité. La filière canne à sucre doit être défendue dans le cadre des négociations commerciales de l’Union européenne. La mission recommande d’effectuer une campagne de contrôles nationaux qui pourraient, le cas échéant, étayer des demandes de suspension d’importations par exemple sur l’usage de pesticides ou sur l’utilisation abusive du label « bio ». Les perspectives énergétiques de la canne doivent continuer à être étudiées. La mission identifie également une opportunité de valorisation supplémentaire de la canne à sucre, grâce aux débouchés énergétiques de la paille. Les gains attendus sont de l’ordre de 2 € par tonne de canne pour les planteurs. Il conviendrait à cet égard de déterminer avec les planteurs, industriels sucriers et énergéticiens le modèle le plus pertinent pour la valorisation énergétique de la paille. La production de rhum est une activité rentable et en croissance. Les exportations de rhum des trois DROM (97,5 M€) représentent désormais une valeur supérieure aux exportations de sucre (66,6 M€). La production de rhum doit contribuer davantage à la valeur ajoutée des sucreries, comme c’est en partie le cas aux Antilles. La mission préconise donc que l’État mobilise l’outil que constitue le contingent fiscal, actuellement cogéré avec la profession, pour aider les sucreries. À cette fin, la mission recommande que le contingent supplémentaire accordé par la Commission européenne en 2021 ainsi que le reliquat de contingent non utilisé chaque année soient affectés par l’État, avec pour priorité le renforcement des sucreries. La mission estime que les gains pour les sucreries seraient de l’ordre de 5,2 M€ par an. Tout en développant une stratégie globale pour améliorer sa rentabilité, l’État doit tenir compte des situations différentes d’une île à l’autre.