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La mise en fonctionnement du méthaniseur « industriel » de BioQuercy à Gramat, dans le Lot, a rencontré, dès son démarrage à l’automne 2017, des difficultés d’exploitation avec notamment des émissions d’odeurs sur le site, des fuites sur les stockages intermédiaires et des contestations sur les effets de l’épandage de digestat sur la faune des sols et les abeilles. Ces dysfonctionnements ont alimenté des réactions de défiance renforçant les inquiétudes exprimées lors de l’enquête publique. Par-delà le méthaniseur de Gramat, ces incidents et les contestations qui en résultent peuvent porter un discrédit sur l’ensemble de la filière de méthanisation, à une période où elle contribue aux stratégies de l’État pour les énergies renouvelables et l’économie circulaire, et au projet « Occitanie, région à énergie positive en 2050 ». Trois grands axes se dégagent : les difficultés de l’exploitant pour parvenir à la maîtrise des odeurs ; les caractéristiques du digestat, conformes à la réglementation mais dont les particularités suscitent des suspicions sur de potentiels impacts sur la biodiversité ; la nature karstique des causses du Quercy qui exacerbe les craintes d’une vulnérabilité des eaux et du sous-sol aux épandages de digestat. Les dysfonctionnements au démarrage de l’installation, liés aux odeurs émanant de l’unité de méthanisation et aux stockages déportés de digestat, ont fait l’objet de rappels de l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Persistent toutefois des craintes essentiellement liées à l’utilisation du digestat en épandage. Concernant les risques d’atteinte à la biodiversité, les éléments recueillis ne permettent pas, à ce stade, d’en identifier un fondement objectif, notamment du fait de l’absence de dispositifs de suivi adaptés et de connaissances sur le sujet. Concernant la sensibilité des abeilles au digestat il n’existe pas aujourd’hui d’observatoire permettant de détecter objectivement un tel phénomène et d’en identifier la cause. Aucun signalement auprès des services de l’État n’a été enregistré. Concernant la micro-faune du sol, les informations existantes sont lacunaires et contradictoires. Seul un protocole scientifique sur la durée, construit localement, pourra permettre de tirer des conclusions sérieuses. Concernant la protection des eaux et sous-sols du Causse, au vu du dispositif exigeant du plan d’épandage du digestat et des quantités réglementairement autorisées à l’épandage, le risque de percolation du produit liquide dans le sous-sol est quasiment nul pour des pratiques respectant l’arrêté préfectoral. Il n’en reste pas moins patent que ce territoire, aux sols peu épais et au sous-sol karstique, n’a pas la même capacité à accueillir des effluents organiques liquides que des zones de sol profond. L’effort à conduire doit porter sur le plein respect de la réglementation d’épandage et des bonnes pratiques correspondantes, sur la mise en place de dispositifs de suivi et signalement d’anomalies, sur la réactivité pour corriger les éventuels problèmes détectés. La mission recommande de mettre en œuvre une charte d’épandage des effluents liquides en zone karstique lotoise. Elle a noté une mobilisation intense des acteurs du territoire, se traduisant notamment par une forte participation à la commission locale de suivi (CLS), mise en place et accompagnée par la préfecture du Lot. La CLS a d’ores et déjà construit des outils de surveillance, d’information et de concertation. Ses travaux doivent être poursuivis dans un souci d’information et de transparence porté à la fois par BioQuercy et par l’administration, en renforçant le rôle des différents protagonistes actifs du territoire. La mission suggère de s’appuyer sur un observatoire participatif de la méthanisation, à organiser localement en faisant intervenir des compétences reconnues, notamment scientifiques, sur les différents sujets identifiés par la CLS, ceci en articulation avec les dispositifs nationaux et régionaux existants ou à construire.